Pierre Thouvenel, Traité sur le climat de l’Italie, vol. 2, pp. 60-65
Mais parmi les recherches les plus importantes de M. Giovene, on distingue celles relatives aux causes de l’insalubrité particulière et variable, qui se fait remarquer, en certaines années, dans plusieurs parties de la Pouille. Ce pays bien que généralement très sec, et tout-à-fait différent, quant à la nature de son sol, des régions basses et marécageuses, est néanmoins, de temps en temps, sujet aux maladies aiguës et fébriles de ces dernières. En effet, quoique les causes de méphitisme, et les circonstances qui le favorisent, soient moindres et plus rares sur les côtes de la mer extérieure que sur celles de l’intérieure, celles-là cependant n’en sont pas tout-à-fait exemptes, et l’on observe qu’à distance égale de la mer, ce méphitisme est beaucoup plus remarquable dans les collines à tuf calcaire, que dans celles à pierres dures, marbreuses, siliceuses, ou volcaniques. Je remarque aussi que nonobstant la sanification partielle qui résulte des mouvements de la mer, et de la ventilation qu’elle porte dans les lieux proprement maritimes, principalement sur les côtes à bas fonds; que nonobstant l’infection locale, qui résulte des circonstances contraires sur les côtes voisines des hauts fonds, et sur les plages aquatiques peu ou point ventilées, il existe toujours à ces deux égards des différences réelles, à raison de la nature des terrains et de leur exposition. Mail il est une autre différence plus essentielle encore, qui peut servir à expliquer la salubrité respective des côtes de l’une et de l’autre mer.
Il est certain que celles qui sont exposées à l’influence directe du véritable Sciroque, c’est-à-dire, du Sud-Est, ainsi qu’à celle du Sud-Ouest, sont plus infectées de méphitisme, que celles qui jouissent d’une exposition contraire : tandis que celles-ci sont plus sujettes à l’influence malsaine des intempéries. Mais il n’est pas moins vrai que si le Sciroque, en sa qualité de vent chaud et brulant, est un plus puissant promoteur, ou générateur du méphitisme dans le premier cas, c’est-à-dire, dans les lieux où son influence est directe, il est au contraire un météore plus humide, plus accablant, et plus intempéré, dans le second cas, savoir dans les régions où il n’arrive que par réflexion, où il n’agit que par contrecoup (di rimbalzo). Dans ces cas encore il dépose les exhalaisons méphitiques, dont il s’est chargé, dans les foyers qui sont propres à leur régénération : il y dépose en même temps, avec elles et par elles, les germes des maladies qui ne devraient être propres qu’aux régions maremmatiques ou paludeuses. C’est ainsi qu’il faut entendre les transplantations, par fois observables, de certaines maladies, d’origine méphitique ou miasmatique, à des régions éloignées et même opposées : et l’on a des exemples de cela entre les côtes des deux mers, voisines de la Méditerranée et de l’Adriatique, ainsi qu’entre les îles nombreuses que renferment ces mers. C’est à cela enfin, c’est-à-dire, au concours des influences scirocales secondaires, et des intempéries opposées, sur les côtes de la Pouille et de la Basilicate, qu’il faut attribuer les maladies stagionaires et intercurrentes dont parle M. Giovene, et qu’on observe aussi dans d’autres lieux de la même côte.
Cet Auteur a publié encore un autre mémoire, contenant des observations précieuses sur les marées atmosphériques de ce littoral Adriatique.
Il a trouvé la plus parfaite concordance entre les marées d’air, et celles d’électricité ; de manière qu’aux raréfactions et condensations alternatives du premier de ces fluides, sont constamment corrélatifs les accroissements et les décroissements de l’autre, mais dans un ordre inverse ; c’est-à-dire, qu’au flux de la marée aérienne, correspond le reflux de la marée électrique, et au flux de celle-ci le reflux de celle-là. Il a trouvé de plus qu’aux variations régulières et corrélatives des Baromètres, et des Électromètres, correspondent d’autres phénomènes également réguliers de l’ordre météorologique : comme aussi l’on voit qu’à l’apparition de certains météores dans l’atmosphère, et principalement ceux de l’ordre électrique, se joignent pour l’ordinaire des affections organiques, telles que, par exemple, celles qui font présager à beaucoup d’hommes et d’animaux, les moindres mutations dans l’air ; telles aussi que l’exacerbation très remarquable des maux chroniques, et les rechutes plus fréquentes des fièvres augues paroxystiques. Il serait important de savoir, par une suite d’observations analogues à celles de M. Giovene, si les constitutions fréquentes ou durables de l’atmosphère, qui font monter les Baromètres, et descendre le Électromètres, sont plus salubres que les constitutions contraires ; et de savoir aussi comment les unes ou les autres peuvent concourir, si non à la production d’une sorte de méphitisme atmosphérique, du moins à favoriser le développement et la propagation du méphitisme terrestre ou aquatique. Mais de toutes les constitutions, la pire à l’un et l’autre égard, parait très êcelle qui fait baisser à la fois les Baromètres, et les Électromètres : et celle-ci, plus particulièrement propre aux régions, et aux ventilations du Sud, renforcée encore dans les plages maremmatiques et paludeuses, semble être diamétralement opposées, quant à ses effets sur la santé, à celle où, sous l’empire des régions, et des ventilations boréales, ou du Nord-Est, on voit monter à la fois les Baromètre, et les Électromètres. Mais dans ces deux constitutions d’air opposées, on voit souvent paraître le même météore, le Baromètre étant au plus haut dans l’un, et au plus bas dans l’autre : c’est cet état trouble, ou semi-opaque, et sec de l’atmosphère, dont les instruments météorologiques ne font connaître ni les éléments, ni l’agrégation propre. On l’observe surtout dans les parties Méridionales et Orientales de l’Italie, lors de cette chaleur extrême, dite Scirocale, accablante et suffoquant, avec un calme absolu de l’atmosphère (aria soffegante). On l’observe également dans certaines intempéries froides, sèches et semi-brumeuses de la partie Occidentale et Septentrionale de l’Italie, surtout dans la haute Lombardie, les Milanais, et le Piémont. C’est un air pénétrant, sans être vif, et nébuleux, sans être humide. Dans ces deux états opposés de l’atmosphère, il existe ou un principe élémentaire, ou un mode d’agrégation, desquels il parait résulter, que la sécheresse n’est pas toujours due à la privation d’humidité ; pas plus que le froid n’est dû à l’absence du calorique. C’est un état à peu-près semblable qui a fait croire à M. l’Abbé Chiminello, Professeur à Padoue, d’après un grand nombre d’observations. Che esista nell’aria un elemento tuttora sconosciuto, il quale secondo che è in maggiore o minore copia, altera l’umidità, o la siccità, e non le lascia essere in proporzione dell’abbondanza, o scarsezza di vapori acquosi… On reviendra ailleurs sur ce point important de la physique de l’atmosphère, comme sur celui des marées atmosphériques. Voyez pour celui-là, le mémoire sur l’Epizootie, et pour celui-ci, le supplément au mémoire de l’Abbé Giovene, sur la Météorologie Adriatique des côtes Méridionales.