Paul-Louis Courier, Correspondance générale, Paris, Klincksieck, 1976-1978, vol. 1, 1787-1807, p. 177-180; 185-190; 231-234; 293-294.
À M. Danse de Villoison, Barletta [27 février 1805]
Vous me tentez en m’assurant qu’une traduction de ces vieux Mathematici me couvrirait de gloire. Je n’eusse jamais cru cela. Mais enfin vous me l’assurez et je saurai à qui m’en prendre, si la gloire me manque après la traduction faite. Car je la ferai, chose sûre. J’en étais un peu dégoûté, de la gloire, par de certaines gens que j’en vois couverts de la tête aux pieds et qui n’en ont pas meilleur air. Mais celle que vous me proposez est d’une espèce particulière, puisque vous dites que moi seul [je] puis cueillir de pareils lauriers. Vous avez trouvé là mon faible. À mes yeux honneurs et plaisirs [par cette qualité d’exclusifs acquièrent un grand prix] Ainsi me voilà décidé ; quelque part que ce livre me tombe sous la main, je le traduis pour voir un peu si je me couvrirai de gloire.
Quant à quitter mon vil métier, je sais ce que vous pensez là-dessus et moi-même je suis de votre sentiment. Ne voulant ni vieillir dans les honneurs obscurs de quelque légion, ni faire une fortune, il faut laisser cela. Sans doute ; c’est mon dessein. Mais je suis bien ici où j’ai tout à souhait. Un pays admirable, l’antique, la nature, les tombeaux, les ruines, la Grande Grèce, que de choses. Le général en chef est un homme de mérite, savant, le plus savant dans l’art de massacrer que peut-être il y ait, bonhomme au demeurant qui me traite en ami. Tout cela me retient.
[Vous me parlez d’études] ici j’étudie mieux que je n’ai jamais fait et du matin au soir, à la manière d’Homère qui n’avait point de livres. Il étudiait les hommes. On ne les voit nulle part comme ici. Homère fit la guerre, gardez-vous d’en douter. C’était la guerre sauvage. Il fut aidé de camp, je crois, d’Agamennon ou bien son secrétaire. [Ni Thucydide n’aurait ce sens si vrai, si profond.] Comparez, je vous prie, Salluste et Tite-Live. Celui-ci parle d’or, on ne saurait mieux dire ; l’autre sait de quoi il parle. Et qui m’empêcherait quelque jour… car j’ai vu, moi aussi, j’ai noté, recueilli tant de choses dont ceux qui se mêlent d’écrire n’ont depuis longtemps nulle idée, pourquoi n’en ferais-je pas des tableaux où se pourrait trouver quel qu’air de cette vérité naïve qui plaît si fort dans Xénophon. Je vous [conte] mes rêves.
Que voulez-vous [donc] dire que nous autres soldats nous écrivons peu et qu’une ligne nous coûte ? Ah vraiment ! Voilà ce que c’est ; vous ne savez de quoi vous parlez. Ce sont de ces choses dont vous ne vous doutez pas, vous, Messieurs les savants. Apprenez [Monsieurs, apprenez] que tel d’entre nous écrit plus que tout l’Institut ; qu’il part tous les jours des armées cent voitures à trois chevaux portant chacune plusieurs quintaux d’écriture ronde et batarde faite par des gens en uniforme, fumeurs de pipe, traîneurs de sabres; que moi seul ici cette année j’en ai signé plus, moi qui ne suis rien et ne fais rien, plus que vous n’en liriez en toute votre vie, et mettez-vous bien dans l’esprit que tous les mémoires et histoires de vos académies depuis leur fondation ne [font] pas en volume le quart de ce que le Ministre reçoit de nous chaque semaine régulièrement. Allez chez lui ; vous y verrez des galeries, de vastes bâtiments remplis, [combles] de nos productions depuis la cave jusqu’au faîte ; vous y verrez des généraux, des officiers qui passent leur vie à signer, parapher, couverts d’encre et de poussière, accuser réception, apostiller en marge les lettres à répondre et celles répondues. Là des troupes réglées d’écrivains expédients paquets sur paquets, font tête de tous côtés à nos états-majors qui les attaquent de la même furie. Voilà vos paresseux d’écrire. Allez, Monsieur, il serait aisé de vous démontrer, si on voulait vous humilier, que de tous les corps de l’État, c’est l’Académie qui écrit le moins aujourd’hui, et que les plus grands travaux de plume se font par des gens d’épée.
Je réponds, comme vous voyez, non seulement à tous les articles, mais à chaque mot de votre lettre, et je vous dirai encore en style de maître François qu’une nation dont on fait ce qu’on veut n’est pas une cire, mais une m… et qu’on n’en saurait [faire rien] qui ne soit fort dégoûtant. Aristophane doit l’avoir dit : ainsi la métaphore ne vous surprendra pas. Au reste nous portons les sottises qu’on porte. C’est tout le compliment que je trouve à vous faire sur ces nouveaux brimborions qu’assurément vous honorez. Pour moi j’ai été élevé dans un grand mépris de ces choses-là. Je ne saurais les respecter. C’est la faute de mon père.
Eh bien qu’en dites-vous ? Suis-je si paresseux, moi qui vous fais pour quelques lignes que vous m’écrivez, trois pages de cette taille ? Vous vous piquerez d’honneur j’espère et ne voudrez pas demeurer en reste avec moi. À votre loisir, je vous prie, donnez-moi des nouvelles de la Grèce, dont je ne suis [point] transfuge, comme il vous plaît de le dire. Vous m’y verrez reparaître un jour quand vous y penserez le moins et faire acte de citoyen.
Je vous avoue que je ne connais [point] du tout M. Weiske et ne sais comme il a pu découvrir que je suis au monde, si ce n’est pas vous qui lui [aurez] appris ce secret. Je souhaite fort qu’il nous donne un bon Xénophon. L’entreprise est grande. Aurons-nous à la fin cette anthologie de M. Chardon de La Rochette ? Et vous qui accusez les autres de paresse, me voulez-vous laisser si longtemps sans rien lire de votre façon que ces articles de journal excellents, mais toujours trop courts, comme les ïambes d’Archiloque dont le meilleur était le plus long. Ah ! Que ne suis-je roi pour cent ou six vingt ans ! Je vous ferais pardieu travailler ; il ne serait pas dit que vous [fussiez] savant pour vous seul. Je vous taxerais à tant de volumes par an et ne voudrais lire autre chose.
À M. Lejeune, Barletta le 3 floréal 13e [23 avril 1805]
[…] Le Vasto dont je vous ai parlé est un endroit assez joli au milieu d’une forêt d’oliviers ; le propriétaire, auquel appartiennent tous les bourgs des environs, est un grand seigneur descendant du fameux marquis del Vasto (du Guast dans nos historiens) qui prit François Ier à Pavie. À Termoli je quittai la mer et vins à Serracapriola, jolie petite ville dans les terres. Là, comme on ne voulait pas loger mes chevaux avec moi, j’essayai de faire un peu de bruit et menaçai d’enfoncer la porte de l’écurie, mais je n’étais pas assez fort pour soutenir ce langage. L’hôte qui paraissait un homme d’importance, me dit : j’ai là 50 Albanais bien armés, ne nous cherchez point de querelle. Je vis en effet ces Albanais qui sont des coupe-jarrets enrôlés. Ils me servirent à table la dague au côté, ils causaient avec moi fort amicalement. On voulut m’en donner une escorte à mon départ, je la refusai. Ils me dirent que leur patron les payait six carlini par jour, environ 55 sols de France.
J’allai [de là à San Severino, ensuite à Foggia]. Je marchais au milieu de plus de cent mille moutons qui descendaient des montagnes de l’Aquila pour passer l’hiver dans les plaines de la Pouille. Je causai avec leurs bergers qui sont des espèces de sauvages. Il y avait aussi de grands troupeaux de chèvres ; tout cela est au roi. [Je vins à Cerignola] où Gonzalve de Cordoue livra une fameuse bataille. Je passai sur le pont que Bayard défendit seul contre les Espagnols. Il est long et si étroit que deux voitures ne peuvent y passer de front. Enfin 42 j’arrivai à Barletta où je trouvai le quartier général. C’est une ville de 20.000 âmes, passablement bâtie, sans promenades ni ombrages, dans une plaine aride. On ne connaît point ici de maisons de campagne ni de villages, parce que les brigands rendent la campagne inhabitable. Il n’y a de cultivé que les environs des villes. Le sol est très fertile et produit presque sans travail une grande quantité de blé, qui avec l’huile forme tout le commerce du pays. Commerce sujet à des avanies continuelles, tant de la part du gouvernement que des barbaresques. Quoique ce soit un port on ne peut y avoir de poissons, parce que les pêcheurs sont enlevés jusque sur la côte.
Voilà l’histoire de mon voyage ; ma position actuelle est fort agréable. Mon emploi de chef [d’état-major] me donne quelques avantages. Je suis bien avec le général St-Cyr qui commande l’armée. J’ai reçu le ruban rouge 44 des mains du Maréchal Jourdan, à Plaisance. [On nous dit que la Russie a déclaré la guerre à notre empereur. Si cela est, les premiers coups se donneront ici. Nous avons devant nous 20.000 Russes à Corfou. En cas de guerre je serai placé très avantageusement, étant le seul officier supérieur qui pût commander l’artillerie. Je vous embrasse.]
Je m’aperçois que mes quatre pages ne répondent [point] à votre lettre. Je vous félicite de votre bonne santé qui fait que je vous ai toujours regardé comme un homme fort heureux. La mienne est assez bonne ; ce pays-ci et le genre de vie que je mène, me conviennent fort. Je n’ai pas renoncé à mes anciennes études. J’entretiens des correspondances avec plusieurs savants auxquels j’envoie des inscriptions.
[Il me paraît que vous avez changé de logement 48.] Votre pays de Saumur est bon mais je ne crois pas que je m’y fixe jamais. Je suis devenu Italien et si le royaume d’Italie s’établit, j’aurai de grands avantages à m’y fixer. Au reste je ne fais point de projets, je m’abandonne à la fortune, sans pourtant avoir d’ambition.
[On me presse fort de vendre la Filonnière, mais je ne veux m’en défaire que pour acheter un autre bien. J’économiserais ici 10.000 fcs par an si je voulais faire comme bien d’autres. Mais je néglige beaucoup mes affaires.] Le général en chef m’a promis de me conduire à Milan pour le couronnement du roi d’Italie. Mais selon les apparences il ne pourra lui-même y aller, nous sommes menacés de tous côtés. La flotte partie d’Angleterre avec des troupes de débarquement pourrait bien être destinée pour ce pays-ci ; unie avec l’armée russe, elle nous donnerait de la besogne. Les brigands du pays nous tourmenteraient fort, nous avons aussi à craindre la peste qui règne partout aux environs. Malgré tout cela je vais bientôt faire une tournée dans toutes les places où nous avons des troupes, telles que Brindisi, Tarente, Gallipoli, Otrante, Lecce. J’ai été [ces jours derniers] à Canosa qui offre [les restes] d’une ville immense. On ne peut y fouiller qu’on ne trouve des ruines magnifiques, aussi est-ce défendu. On y déterre [les] tombeaux des anciens Etrusques avec des vases bien conservés. Tout cela est fort curieux.
Adieu encore une fois, je vous embrasse
A M. Klewanski, Tarente le 10 juin 1806
[…] Il me manque à présent d’avoir vu la Sicile. Mais j’espère y passer bientôt et aller même au-delà. Car ma curiosité entée sur l’ambition des conquérants devient insatiable comme elle. Ou plutôt c’est une sorte de libertinage, qui, satisfait sur un objet, vole aussitôt [vers] un autre. J’étais épris de la Calabre, et quand tout le monde fuyait cette expédition, moi seul j’ai demandé à en être. Maintenant je lorgne la Sicile, je ne rêve [plus] que des prairies d’Enna et des marbres d’Agrigente, car il faut vous dire que je suis antiquaire, non des plus habiles, mais pourtant de ceux qu’on attrape le moins. Je n’achète rien, j’imite le comte de Haga, chi tutto vede, poco compra e meno paga. Cette épigramme, ou cette rime, fut faite par les Romains, le plus malin peuple du monde, contre le roi de Suède qui passait chez eux sous le nom de comte de Haga. Je n’emporterai, de l’Italie, que des souvenirs et quelques inscriptions.
C’est tout ce que l’on trouve ici. Tarente a disparu, il n’en reste que le nom, et l’on ne saurait même où elle fut, sans les marmites dont les débris à quelque distance de la ville actuelle, [indiquant] la place de l’ancienne. Vous rappelez-vous à Rome Monte Testaccio (qui vaut bien Montmartre) formé en entier de ces morceaux de vases de terre qu’on appelait en latin testa, ce que je puis vous certifier ayant été dessus et dessous. Eh bien, Monsieur, on voit ici, non pas un mont Testaccio, mais un rivage composé des mêmes éléments, un terrain fort étendu sous lequel en fouillant on rencontre, au lieu de tuf, des fragments de poteries dont la plage est toute rouge. La côte qui s’éboule en découvre des lits immenses. J’y ai trouvé une jolie lampe, rien n’empêche que [ce soit] celle de Pythagore. Mais dites-moi, de grâce, [qu’était-ce donc] que ces villes dont les pots cassés [forment] des montagnes ? Ex ungue leonem. Je juge [des] anciens par leurs cruches, et ne vois chez nous rien d’approchant.
Prenez garde cependant qu’on ne connaissait point alors nos tonneaux, les cruches en tenaient lieu ; partout où vos traducteurs disent un tonneau, entendez une cruche. C’était une cruche qu’habitait Diogène, et le cuvier de La Fontaine est une cruche dans Apulée. Dans les villes comme Rome et Tarente il s’en faisait chaque jour un dégât prodigieux, et leurs débris entassés avec les autres immondices ont sans doute produit ces amas que nous voyons. Que vous semble Monsieur, de mon érudition ? Vous seriez-vous imaginé qu’il y eut eu tant de cruches autrefois, et que le nombre en fût diminué ?
Je vois tous les jours le Galèse, qui n’a rien de plus merveilleux que notre rivière des Gobelins et mérite bien moins l’épithète de noir que lui donne Virgile. Qua piger humectat flaventia cuita Galesus. Au reste les moissons sur [les] bords ne sont plus blondes, mais blanches ; car c’est du coton qu’on y recueille. Le dulce pellitis ovibus Galesi est devenu tout aussi faux, car on n’y voit pas un mouton. Je crois que le nom de ce fleuve a fait sa fortune chez les poètes qui ne se piquent pas d’exactitude, et pour un nom harmonieux donneraient bien d’autres soufflets à la vérité. Il est probable que Blanduse, à quelques milles d’ici, doit aux mêmes titres sa célébrité, et sans le témoignage de Tite-Live, je serais tenté de croire que le grand mérite de Tempé fut d’enrichir les vers de syllabes sonores. On a remarqué il y a longtemps que les poètes vantent partout Sophocle, rarement Euripide dont le nom n’entrait guère dans les vers sans rompre la mesure. Telle est leur bonne foi entre eux. Pour flatter l’oreille et gagner ce juge superbe, comme ils l’appellent, rien ne leur coûte ; ainsi quand Horace nous dit qu’il faut à tout héros pour devenir immortel, un poète, il devrait ajouter : et un nom poétique. Car à moins de cela, on n’[en] inscrit qu’en prose au temple de Mémoire. [Et] c’est le seul tort qu’ait eu Childebrand.
Lorsque vous m’[écrirez] Monsieur, dites-moi s’il vous plaît une chose : allez-vous toujours prendre l’air le soir, dans cette saison-ci par exemple, sous ces peupliers au bord du canal ? Ah ! Quelles promenades j’ai faites en cet endroit-là ! Quelles rêveries quand j’y étais seul ! Et avec vous quels entretiens ! D’autant plus heureux alors que je sentais mon bonheur. Les temps sont bien changés, pour moi du moins. Mais quoi, nul bien ne peut durer toujours, c’est beaucoup d’avoir le souvenir de pareils instants et l’espoir de les voir renaître. Un jour, et peut-être plus tôt que nous ne le croyons, vous et moi, nous nous retrouverons ensemble au pied de ces pauvres Phaétuses. Saluez-les un peu de ma part, et donnez-moi bientôt je [vous prie], de leurs nouvelles et des vôtres.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur etc, etc…
À M. Guillaume, Foggia, mars 1807.
J’ai été tout à fait désolé, monsieur le marquis, de devoir quitter Naples comme je l’ai fait sans vous voir auparavant et sans vous remercier de toutes les attentions que vous avez eues pour moi et pour mon Xénophon ; mais Dieu l’a voulu ainsi. Les jours qui ont précédé mon départ précipité, je suis allé plusieurs fois chez vous, sans réussir à rencontrer ni vous ni personne de votre famille. J’ai bien trouvé les clefs du bureau qui m’ont été données comme d’habitude par le concierge, mais j’ai eu beau vous chercher, je ne suis pas arrivé à découvrir dans quelle partie du monde vous et le Père Andres vous étiez envolés, et pas davantage à savoir quand on attendait votre retour ici-bas. Ainsi triste et marri, j’ai dû partir, laissant écrit avec mon crayon sur le mur de la pièce désertée un larmoyant vale. Peut-être pourrez-vous encore le voir, près de l’horloge, et je crains bien que ce ne soit mon ultimum vale, car je ne puis vivre encore longtemps si l’ennui fait mourir. Voici donc mes excuses faites pour cette brusque disparition. Je dois maintenant me justifier de ne pas vous avoir écrit plus tôt ; c’est mon mauvais état de santé que vous devez en accuser. Depuis qu’a quitté les rivages de Naples, le bois infortuné qui fit naufrage en route (maudites soient toutes les voitures de place), sans parler de l’indicible tristesse que j’ai eue à me séparer de mes amis, fièvres et catarrhes se sont obstinés à me faire la guerre et, joints aux soins fastidieux de ma pénible charge, ils ne m’ont laissé jusqu’ici ni la paix ni le loisir de pouvoir donner de mes nouvelles à qui que ce soit. Pourtant, à vous surtout, j’avais hâte de manifester le cher souvenir que je garde et que je garderai toujours de votre affectueuse sollicitude à mon égard. Je ne sais si je m’exprime bien, mais je voudrais vous faire connaître mon cœur et ma reconnaissance. Mais je suis étranger et d’au-delà des Alpes, sans grand usage de votre langue, je ne suis pas capable de trouver les mots qui me permettraient sûrement d’expliquer mes sentiments. Vous-même, monsieur le marquis, venez donc un peu à mon aide, je vous en prie. Imaginez ce que peut exprimer en bon toscan un cœur plein de gratitude et ce sera précisément ce que je veux dire.