Denis Possot, Le Voyage de la Terre Sainte, composé par Maître Denis Possot et achevé par Messire Charles Philippe seigneur de champarmoy et de Grandchamp, Paris, Leroux, 1890, pp. 114-116
Le vendredi XXIIIIe de mai, nous avions bon vent et passâmes l’île appelée Lisse [Lissa] au pays de Sclavonie ; et là, on prend des sardines qui sont des poissons qu’on mange crus, car si on les cuisait en eau, ils seraient tous résolus et deviendraient à nient. Depuis Venise [Venezia] jusques à Lisse il y a IIII. c. milles. Le samedi vingt-cinquième jour de mai, nous eûmes bon vent. En allant, nous vîmes à main gauche l’île de Saint André en la mer, en laquelle sont aucuns ermites demeurants. À main dextre, nous vîmes la Pouigle [Puglia] de loin. Nous allâmes auprès d’une vallée et gouffre dedans la mer à main gauche environ cinq heures du soir qu’on appelle Pelligouze [Pelagosa] auquel promontoire saint Grégoire demeura treize ou quatorze ans. En cette même heure, à main dextre, nous vîmes de loin le mont de Gargan [Gargano], le château Saint Ange, et la cité de Macédoine [Manfredonia], Barlete [Barletta] et autres. Le dimanche, XXVIe jour, fête de Trinité, était tempête et plusieurs furent malades entre lesquels était le cousin Jehan de Beauni. Nous ne voyons point de terre ; par toute la nuit, furent foudres et tonnerres.
Le lundi vingt-septième jour, nous ne vîmes point la terre et était le vent contraire. Au soir, nous vîmes la cité de Barry [Bari], Monopole [Monopoli] et autres petites cités à main dextre.
Le mardi XXVIIIe de mai, nous voyons les hautes montagnes d’Albanie qui est une partie de Grèce. Et là est la première ville de Grèce nommée Corphou [Corfù].